De manière générale, les femmes investissent moins que les hommes, quel que soit le type d’investissement. Pourtant, ce n’est pas le manque d’intérêt qui explique ce phénomène. La curiosité et l’envie d’apprendre n’ont jamais été aussi fortes. Et l’investissement, ou le fait de faire fructifier son argent, dessert un objectif essentiel pour toutes les femmes : construire leur matrimoine. Alors, pourquoi c’est essentiel justement ? Quel est le profil d’investissement des femmes aujourd’hui ? Et comment surmonter les barrières de genre pour assurer sa stabilité financière ?
Se construire un matrimoine : pourquoi et comment
Le patrimoine, vous connaissez : c’est l’ensemble des possessions matérielles et culturelles qui nous permettent de vivre, et que l’on transmet aux générations suivantes (souvent, les enfants). Nous, on va vous parler de matrimoine. C’est entre autres un moyen de se réapproprier nos finances et notre futur. Un moyen d’affirmer que nos finances ne comptent pas pour des cacahuètes, et que nous aussi, on a des choses à transmettre.
Bien évidemment, on part avec un petit handicap, comme nous l’avions évoqué dans notre premier article dédié à la finance responsable : les femmes sont moins riches que les hommes, c’est un fait.
Elles ont également un profil d’investisseuses plus prudentes. Elles préfèrent généralement l’épargne de précaution, ce qui s’explique aussi par leur niveau de revenu plus faible, et leur situation professionnelle globalement plus instable (elles représentent 60,5 % des CDD).
Aussi, comme elles prennent le plus souvent en charge des enfants ou des adultes non autonomes, le risque est moins une option pour elles. Pourtant, il est essentiel que nous commencions toutes dès maintenant à nous construire un matrimoine.
Pourquoi se construire un matrimoine ?
Le matrimoine, c’est une vision à long terme. Alors c’est sûr, quand on démarre sa vie professionnelle, on ne pense pas forcément à la retraite. D’ailleurs, nombreuses sont les personnes qui nous rabâchent qu’il faudra pas trop compter dessus. Et en tant que femme, cette affirmation n’a jamais été aussi vraie. Déjà, on ne connaît pas encore l’âge légal de la retraite d’ici 20, 30, 40 ans. Ensuite, les parcours de vie impactent fortement les revenus auxquels on pourra prétendre : périodes de chômage, entrepreneuriat, grossesses / congés parentaux sont autant de facteurs qui peuvent tirer les montants de pension vers le bas. Et n’oublions pas que les femmes sont moins payées que les hommes et ont des métiers moins valorisés. Conséquence ? Les femmes touchent en moyenne 40 % de moins que les hommes à la retraite. Bummer.
Mais se construire un matrimoine, c’est aussi un moyen d’assurer sa stabilité financière, d’être moins dépendante d’un·e partenaire de vie ou d’un créancier, bref : de vivre plus zen, plus sereine.
Cela permet aussi de financer plus facilement ses projets de vie, que ce soit un achat immobilier, un voyage, ou simplement un temps pour soi de manière régulière.
Et pour ça, il n’y a pas 50 solutions : il faut faire fructifier son épargne.
Comment se construire un matrimoine ?
D’abord, en mettant de l’argent de côté. Même 50 € par mois. Même 10 € par mois. En réduisant ses dépenses par exemple, ou en gagnant plus d’argent.
Comment ? Il y a plusieurs leviers pour ça :
- augmenter son salaire, en obtenant une augmentation ou en changeant de poste ;
- avoir un side-project, c’est-à-dire une activité en auto-entreprise par exemple, qui permette de rajouter du beurre dans les épinards (ou dans la purée, si vous n’aimez pas les épinards). Ça peut être une activité en lien avec votre métier, ou votre passion ;
- entreprendre à temps plein : si votre activité fonctionne bien vous pourrez augmenter sensiblement vos revenus.
Évidemment, on est conscientes que la théorie et la pratique, c’est pas pareil. On est conscientes que c’est parfois très difficile, voire impossible pour certain·es d’entre nous de mettre de l’argent de côté. Mais ce sont les 3 moyens les plus rapides et efficaces pour gagner plus de sous.
Une fois que vous avez réussi à épargner une somme tous les mois, vous pouvez passer à la phase investissement. Là encore, il y a plusieurs manières de faire fructifier votre argent :
- placement sur des produits financiers ;
- investissement immobilier (résidence principale ou locatif) ;
- investissement en actions ou en obligations ;
- acheter de l’or ;
- …
Le livret A n’est pas votre ami
Pourquoi est-il essentiel d’investir et de ne pas laisser son épargne sur un livret ? Tout simplement parce que l’inflation est quasiment toujours supérieure au montant des intérêts des livrets. Ce qui veut dire que vous perdez un peu d’argent, tous les ans. S’il est nécessaire de conserver une épargne accessible immédiatement (on conseille généralement de garder l’équivalent de 6 mois de charges fixes sur son compte), tout ce que vous pouvez vous permettre d’investir doit l’être.
Une autre règle incontournable en investissement : ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier. Votre portefeuille doit être varié, entre votre épargne et 2-3 autres produits minimum. Cela vous permettra d’absorber d’éventuelles baisses grâce à la performance de vos autres placements.
Les femmes et leurs finances : quel comportement ?
En cumulant les inégalités structurelles et le manque de confiance plus prégnant, on comprend que les femmes aient une situation financière plus précaire que les hommes. Quel est le comportement des femmes vis-à-vis de l’investissement aujourd’hui ?
Investissement immobilier
Les femmes ont des revenus de 15 à 25 % inférieurs à celui des hommes. Et forcément, ça se ressent au moment de l’achat immobilier. Au niveau de l’apport d’abord : quand on met moins d’argent de côté, on met plus de temps à se constituer le Graal exigé par la plupart des banques. En termes de mensualités ensuite : salaire inférieur égal capacité de remboursement inférieure. Les femmes ont donc accès à des biens moins chers, ou moins grands, ou moins bien situés.
Et la double peine pour les familles monoparentales ? Les banques tiennent compte d’un reste à vivre de minimum 200 € par enfant à charge, ce qui réduit mécaniquement la mensualité potentielle de l’acheteur·euse. Et, on le rappelle, dans 85 % des cas de familles monoparentales, c’est la mère qui est en charge de ses enfants.
Quand il s’agit d’investissement locatif, là encore les écarts subsistent. Les femmes représentent seulement 35 % des investissements. Au-delà des écarts salariaux, les femmes ont un profil d’investisseuses plus prudentes. Une étude de Manda (ex-Flatlooker) republiée en 2024 nous indique que les revenus locatifs des femmes sont en moyenne de 16 % inférieurs à ceux des hommes. Elles ont aussi tendance à investir dans de plus grandes surfaces, dans des zones moins dynamiques où le prix au m2 est moindre.
Investissement en bourse
La France ne compte que 2, 1 % d’investisseur·es actif·ves, c’est-à-dire ayant une gestion régulière de leurs titres. Parmi ces personnes : seulement 30 % de femmes.
Le baromètre 2023 de l’AMF sur le thème « Les femmes et l’investissement » nous apprend que les femmes sont 48 % refusent toute prise de risque, contre 36 % des hommes.
Elles disent ainsi moins s’y connaître que leurs homologues masculins (29 % contre 42 %). Pourtant, dès qu’on teste leurs connaissances, il apparaît qu’hommes et femmes ont à peu près le même niveau de compétences. Alors, ce ne serait pas encore un coup du syndrome de l’imposture ? D’après la même étude, elles sont aussi moins confiantes en leur avenir financier, plus averses au risque et moins confiantes dans les placements boursiers.
Cela reste en effet un monde très masculin. Les femmes n’ont le droit d’entrer physiquement à la Bourse que depuis 1967. Et le manque de role models à la tête d’entreprises côtées renforce ce sentiment de non-inclusion : en 2023 dans le monde, moins de 5 % des hedge funds sont gérés par des femmes, ce qui représente 1,5 % des actifs mondiaux. Et seules 3 femmes sont à la tête d’entreprises du CAC 40 en France.
Pourtant, une étude menée entre 2006 et 2015 par le Hedge Fund Research nous montre que les fonds détenus ou dirigés par les femmes ont un rendement en moyenne 36 % supérieur à celui des hommes.
Produits financiers
Livret A, assurance-vie, PER, SICAV, SCPI… Si certains produits financiers sont connus de toutes et tous (notamment ce bon vieux livret A, placement préféré des français·es), d’autres sont encore très obscurs.
L’un des obstacles, c’est l’apparente complexité de ces produits. Parfois, on se retrouve face à un conseil bancaire de mauvaise qualité (une personne qui n’y connaît pas plus que nous), d’autres fois, ce sont de mauvaises expériences passées (et des pertes financières) qui nous font reconsidérer les conseils de la banque. D’ailleurs, les français·es ne sont que 39 % à avoir une totale confiance en leur conseiller·ère bancaire, et ce pourcentage tombe à 28 % chez les femmes
Il y aussi le manque de transparence derrière la réutilisation des profits. Pour preuve, les grandes institutions bancaires sont de plus en plus boycottées. Les client·es sont de plus en plus regardant·es sur l’utilisation de leur épargne. Ainsi, iels vont privilégier les organismes qui financent des projets dans la transition et qui ont une empreinte carbone limitée, comme Green Got ou la NEF par exemple.
Entrepreneuriat
Vous vous sentez l’âme d’une entrepreneuse ? Vous feriez ainsi partie des plus de 30 % de personnes qui créent leur boîte !
Lassées d’attendre des opportunités de carrière ou une augmentation qui ne verront jamais le jour, ce sont 70 % des femmes qui voient la création d’entreprise comme une opportunité, ou encore comme un vecteur de liberté. Et près de la moitié estiment que c’est un meilleur moyen d’équilibrer ses vies professionnelle et personnelle.
Mais le cap n’est pas simple à franchir : 51 % des femmes évoquent des difficultés d’accès au financement. En France, elles sont 2 fois plus à même de se voir refuser un prêt bancaire pour mener à bien leur projet.
Quand il s’agit de lever des fonds pour des projets d’envergure, là encore les chiffres sont édifiants : entre 2019 et 2021 en France, les startups 100 % féminines n’ont levé que moins de 1 % des fonds (contre 88 % pour les équipes 100 % masculines). Autre exemple : dans l’agriculture au niveau mondial, les femmes fournissent les ⅔ (environ 65 %) du travail, mais ne récoltent que 10 % des revenus associés, et ne détiennent qu’1 % des terres. Elles sont en effet souvent dépendantes d’un mari ou d’un frère, qui doivent donner leur autorisation pour qu’elles puissent prétendre à un prêt.
Parmi les autres raisons qui nous freinent :
- le syndrome de l’imposture (cité à 25 %),
- le manque de soutien de notre entourage et le sexisme (21 %).
Pourtant, on ne compte plus le nombre d’études qui prouvent que les femmes sont de bonnes gestionnaires.
Une étude qui nous vient des États-Unis nous montre que pour 1$ investi, les fonds récupèrent en moyenne 0,78 cts pour une start-up féminine, contre 0,32 cts pour l’équivalent masculin. Et c’est vrai de manière générale : avec une gestion moins risquée, les initiatives menées par des femmes sont en moyenne plus performantes.
Dans l’agriculture mondiale également, les femmes à la tête de leurs exploitations ont tendance à privilégier les circuits courts et le biologique, ainsi que l’élevage extensif. Si les femmes avaient le même accès aux ressources productives que les hommes dans l’agriculture mondiale, le rendement augmenterait de 20 à 30 %, supprimant ainsi la faim pour 100 millions de personnes dans le monde.
Quelles solutions pour construire son matrimoine sereinement ?
On l’a vu précédemment, les barrières à l’investissement sont également plus nombreuses, mais surmontables. Voici quelques solutions pour commencer à s’empouvoirer économiquement et à construire son matrimoine.
1- Balayer le syndrome de l’imposture
Les femmes sont tout autant capables que les hommes en termes d’investissement financier. Elles ont même souvent de meilleurs résultats, comme on a pu le voir dans l’article : plus d’empathie et d’écoute, un meilleur approfondissement des connaissances, une prise de risque plus éclairée, sont autant d’atouts qui nous permettent de faire fructifier nos économies.
Si nécessaire, vous pouvez vous intéresser au développement personnel dédié au syndrome de l’imposture. Il existe un grand nombre de ressources à lire, à voir ou à écouter pour se débarrasser petit à petit de ce sentiment persistant.
2- S’éduquer financièrement
L’éducation financière est un enjeu majeur pour l’ensemble de la population. Enfin un point commun : les hommes (70 %) comme les femmes (82 %) estiment avoir manqué d’éducation financière. C’est en effet un sujet qui n’est pas forcément abordé dans le foyer car considéré comme tabou. Est-ce que vos parents ou vos représentants légaux vous parlaient de leur salaire ? Est-ce qu’ils évoquaient avec vous la notion d’épargne, d’endettement, d’actif ou de passif financier ? Il y a fort à parier que non. Ce serait pourtant un pas vers un début d’éducation financière.
Bien sûr, tout le monde n’a pas la capacité à transmettre ses connaissances, d’autant plus si elles sont limitées. Ce serait donc une bonne étape d’ajouter quelques notions à l’école. C’est un thème essentiel pour l’éducation de nos enfants, qui conditionne leurs habitudes vis-à-vis de l’argent dans le futur.
Comme une volonté de ne pas reproduire les mêmes schémas, les femmes sont 20 % à enseigner leurs connaissances financières à leurs enfants, contre 7 % des hommes seulement.
Heureusement, en tant qu’adultes, nombreuses sont les formations dédiées aux femmes et à la finance. On peut citer entre autres Plan Cash et FEMCA pour se former à l’investissement, Ma Juste Valeur pour apprendre à négocier son salaire / ses prix, Mon Budget Bento pour apprendre à épargner…
3- Investir en accord avec ses valeurs pour construire son matrimoine
Eh oui, contribuer à son enrichissement personnel, c’est bien, et c’est nécessaire. Mais le faire en conscience et en accord avec ses valeurs, c’est mieux. Après tout, on est Les Impactrices, et on œuvre tous les jours en faveur du défi Climat.
Et ça tombe bien : une étude BNY Mellon dédiée à l’investissement inclusif nous apprend que 55 % des femmes n’investissent pas à cause d’un manque d’alignement avec leurs convictions. Et parmi les femmes qui investissent, plus de 60 % d’entre elles le font par rapport à leur impact social ou environnemental.
En résumé, les femmes voient au-delà du rendement financier. Elles souhaitent investir pour avoir un impact positif sur la planète et la société.
La même étude nous apprend que si les femmes investissaient au même rythme que les hommes, il y aurait potentiellement 1.870 milliards de dollars supplémentaires dédiés à l’investissement responsable, soit l’équivalent du PIB du Brésil, et plus que celui de l’Australie !
4- S’entourer (physiquement ou digitalement) de role models féminins
L’un des problèmes qui renforce notre insécurité, en tant que femme, c’est le fait de ne pas se reconnaître dans les modèles mis en avant par la société ou les médias. On manque cruellement de role models féminins. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe tout plein de femmes inspirantes. Y compris dans le domaine de la finance et de l’investissement. La 2e bonne nouvelle, c’est qu’avec les réseaux sociaux, elles n’ont jamais été aussi accessibles.
Une 3e pour la route ? Avec autant de profils, vous trouverez forcément une personne alignée avec vos valeurs et vos aspirations de vie. Que vous vous rêviez dirigeante d’une grande entreprise, entrepreneuse, investisseuse éthique, ou que vous aspiriez à votre indépendance financière, votre role model existe.
5- Utiliser des apps et solutions dédiées
Les apps, on ne peut plus s’en passer. Elles tiennent dans la poche et offrent un potentiel infini de connaissances et d’aide au quotidien.
Voici une liste d’outils (non exhaustive) :
- pour s’éduquer financièrement au féminin : Bixie et YourJuno (en anglais) proposent des cours sur le budget, les négos salariales, l’investissement…
- pour conserver son argent éthiquement : Green Got, la NEF ;
- pour connaître les projets que notre épargne finance : RiftApp ;
- pour investir éthique : Lita.co, ActiveSeed, Goodvest.
Alors, vous voyez enfin émerger l’investisseuse en vous ? Cet article fait partie d’une série dédiée à la finance responsable et à l’investissement éthique féminin. Après avoir expliqué les inégalités structurelles et de richesses entre les femmes et les hommes, on a passé en revue les raisons pour lesquelles les femmes doivent se constituer un matrimoine, et les solutions qui s’offrent à elles. Dans le prochain article, on explorera plus en détail la notion d’investissement éthique, ce que c’est, et comment sélectionner ses placements en accord avec ses valeurs.
Psst ! Quelque chose me dit que tu pourrais être intéressée par notre 4e édition du Printemps des Impactrices ! On y parlera justement équilibre financier (mais aussi mental) quand on s’engage pour le défi climat. Si tu veux t’inscrire, c’est par ici !