représentation des femmes dans l'impact

Pourquoi les Femmes Doivent-Elles Être au Cœur de l’Impact ?

La présence des femmes dans l'impact est paradoxale : plus engagées, mais absentes des tables de décision. Pourquoi est-il urgent d'y remédier ?

La représentation des femmes au coeur de l’impact est bien paradoxale. Elles sont les plus engagées dans la transition écologique, mais aussi les plus absentes des tables de décision.

C’est notamment avec ce constat que les Impactrices ont vu le jour. Bien que les femmes soient les premières touchées en temps de crise, nous croyons qu’elles ont le pouvoir d’incarner un défi climat plus juste, inclusif et innovant.

Il est temps de replacer le féminin au centre des prises de décision et des solutions liées à la durabilité.

Mais comment peuvent-elles être vecteurs de changement alors qu’elles sont les plus vulnérables dans nos sociétés ? C’est finalement grâce à l’inégalité inhérente à leur condition de femme qu’elles s’imposent en tant qu’actrices du changement. Elles incarnent une nouvelle perspective de l’impact.

La vulnérabilité des femmes dans le monde, un obstacle à leur participation à la transition écologique

Le potentiel de l’engagement féminin

Les femmes représentent la moitié de la population mondiale, un potentiel inexploité. À quoi ressemblerait le monde si leurs voix étaient entendues ?

De par leur condition unique, les femmes ont une expérience du monde qui varie de celle des hommes. Elles ont ainsi une valeur à apporter à leur communauté.

Mais pour cela, l’égalité des sexes est indispensable. Elle figure d’ailleurs parmi les plus grands défis de notre époque en matière de droits fondamentaux, rappelle le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.

L’égalité des sexes n’est pas une problématique isolée : elle traverse les 17 objectifs de l’agenda 2030 fixé par l’ONU. En fait, toutes ces causes sont liées entre elles afin de pouvoir mettre en place des sociétés pacifiques et permettre un développement durable.

Il s’agit ici de prendre conscience du lien entre féminisme et écologie. Quelle est la place des femmes au coeur de l’impact ? On peut voir dans la discrimination contre les femmes et la surexploitation de la nature, une seule et même violence, une seule et même logique d’appropriation.

Pour illustrer ce fait, l’avocate et défenseuse des droits des femmes Gisèle Halimi cite le préambule du Code civil, dans sa plaidoierie du procès de Bobigny qui a mené à la dépenalisation de l’IVG. “La femme est donnée à l’homme pour qu’elle fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l’arbre à fruit est celle du jardinier.”

Le féminisme et l’écologie sont deux combats complémentaires.

Ayant fait l’expérience de violence et d’appropriation sur leur propre corps, les femmes ne sont-elles ainsi pas essentielles à la création d’un nouvel imaginaire pour la transition écologique ? Ne sont-elles déjà pas porteuses de la vision même d’une nouvelle société qui veut mettre fin à l’extractivisme sur la terre et le corps des femmes ?

Inégalités de genre, un état des lieux

Cette vulnérabilité intrinsèque à la condition des femmes dans nos sociétés touche tous les aspects de leur vie : la sécurité alimentaire, l’accès à la terre, la santé, les droits en matière de sexualité et procréation, les moyens de subsistance et le travail décent, etc.

Selon le Ministère de l’Économie et des Finances,80 % des femmes salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes, avec des répercussions sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail. Dans 98 % des cas, les auteurs des violences sont des hommes.”

Alors qu’elles fournissent deux tiers du travail, elles ne détiennent qu’1 % des terres agricoles et gagnent seulement 10 % du revenu mondial. Selon l’Observatoire des inégalités, les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes.

Tandis que 39 000 fillettes sont mariées de force chaque jour, une femme meurt durant sa grossesse ou son accouchement toutes les deux minutes. 493 millions sont analphabètes.

Au-delà de tous ces chiffres, la violence envers les femmes figure parmi ce qui est le plus affligeant. Selon l’OMS, “dans le monde, 1 femme sur 3 est victime de violence physique et/ou sexuelle au cours de sa vie, la plupart du temps infligée par un partenaire intime.”

De par leurs vulnérabilités déjà existantes, les femmes sont aussi les premières victimes des crises environnementales. Selon ONU Femmes, un désastre climatique impacte 14 fois plus les femmes, puisqu’elles font face à une discrimination systémique et des obstacles sociaux, économiques et politiques qui brident leur capacité d’autonomie et d’adaptation.

Finalement, la crise climatique entretient les inégalités entre les sexes, qui, à leur tour, font obstacle à la participation des femmes à l’action climatique.

L’invisibilisation des femmes au coeur de l’impact empêche la possibilité d’un avenir meilleur

Les femmes n’ont que peu de place dans les sphères décisionnelles. C’est le cas notamment dans l’ESS (Économie sociale et solidaire), alors que l’égalité des genres se situe au cœur de ses enjeux. Malgré le fait qu’elles représentent 68 % des effectifs totaux, seulement 13 % d’entre elles y sont cadres.

En se penchant sur ce paradoxe, un rapport élaboré par la Commission Égalité femmes-hommes au sein du CSESS révèle de nombreux freins liés à l’éducation au genre, la répartition genrée des rôles et aux enjeux de pouvoir. Il révèle un écart entre les discours et les actes. “41 % des structures n’évoquent jamais ou rarement le sujet de la parité des instances de gouvernance.”

Parmi ces obstacles, on peut citer une insuffisance de formations sur les thèmes de l’égalité, un manque de déconstruction des stéréotypes, peu de prise de conscience du problème des inégalités de genre comme une priorité et la sous-représentation des femmes dans la gouvernance.

Un rapport publié par le Programme des Nations Unies pour le développement et l’Université de Pittsburgh révèle que les femmes font toujours face à de nombreuses difficultés pour gravir les échelons de la hiérarchie. “En moyenne, les femmes représentent 46 % des administrateurs publics, mais n’occupent que 31 % des postes de direction et ne constituent que 30 % des cadres supérieurs.”

Bien que l’égalité des sexes et la diversité soient centrales, les femmes sont absentes de la table des négociations dans les domaines de la crise sanitaire, le redressement socio-économique et le climat. Des secteurs pourtant clés dans la construction de l’avenir.

La condition féminine dans nos sociétés, une source d’empowerment

Le rôle central des femmes dans la sensibilisation

Les femmes sont souvent les plus écoresponsables au sein du foyer. Seul problème ? Cela illustre le poids de la répartition genrée des tâches, alourdit leur charge mentale tout en creusant les inégalités.

Citons quelques chiffres :

  • 70 % des végétarien·nes sont des femmes ;
  • Les hommes émettent 41 % de gaz à effet de serre de plus que les femmes dû à leur consommation de viande ;
  • Les hommes font plus de 118 kilomètres par semaine que les femmes. Ils sont donc responsables de 16 % d’émissions de CO2 de plus.

Quant à la prise d’initiatives écolos à la maison, les femmes mènent encore une fois la barque.

Prenons le zéro déchet par exemple. Selon une étude, les initiatives écologique sont principalement portées par les femmes, soit dans 90 % des 643 foyers interrogés. De même, ce sont les femmes qui participent en majorité aux ateliers dédiés à la fabrication de produits écologiques. L’association Zéro Déchet à Lyon et la Maison du Zéro Déchet à Paris confirment ce fait.

Un article publié par deux sociologues révèle que le travail domestique supplémentaire dû à l’utilisation de couches lavables pour un enfant de sa naissance à ses trois ans est évalué à 202 heures. Une tâche qui incombe la plupart du temps aux femmes.

Nous l’aurons compris : ces pratiques écolos sont souvent chronophages. Mais pourquoi les femmes sont-elles les plus engagées ? Au-delà du fait qu’elles sont responsables de la majorité des tâches domestiques, c’est une différence d’éducation qui l’explique en grande partie. On conditionne les filles à prendre soin des autres dès leur plus jeune âge. À l’inverse, les garçons sont encouragés à aller vers l’individualisme et la compétition.

En revanche, l’engagement féminin révèle un fait intéressant. En prenant l’initiative à la maison, elles ont le pouvoir d’influencer les membres de leur famille. Il est indéniable qu’elles ont un rôle central en matière de sensibilisation à la protection de l’environnement et à la consommation durable en tant qu’éducatrices et protectrices du foyer.

Leur engagement est une source d’inspiration

L’engagement personnel des femmes alourdit leur charge mentale ainsi que les inégalités, mais il est aussi un moteur d’empowerment.

Les femmes agissent par conviction éthique en prenant l’initiative de changer leur mode de vie pour préserver l’environnement, améliorer leur santé, faire des économies, entre autres.

Cela constitue une réappropriation de leur pouvoir, à une époque où l’on se sent impuissant face à la tendance générale. Agir individuellement, c’est exprimer notre capacité à faire une différence à notre échelle. Bien que la société ne change pas forcément, nous avons le pouvoir de prendre des décisions individuelles qui influencent notre impact, et ainsi faire évoluer les mentalités, les représentations.

L’engagement moral est une prise de position politique, une manière de faire partie d’une vision alternative du monde. Cela contribue à créer un nouvel imaginaire collectif où les femmes se sentent légitimes de prendre une place de leader. On décloisonne ainsi le genre et on universalise le combat pour l’environnement.

Toutefois, il faut remarquer que cette sensibilité de la part des femmes est seulement représentée à l’échelle individuelle. En effet, elles sont exclues des tables de décisions liées au climat, un combat finalement mené par les hommes à l’échelle publique.

la représentation des femmes au coeur de l'impact
Crédit photo : Audrey Bourdier. Dessin : Lova Razakalalao @ Le Printemps des Impactrices, 2023.

L’impact incarné par les femmes, quels résultats ?

Quand les solutions incluent l’égalité des genres et le développement durable…

Les femmes ont un impact considérable sur leur communauté lorsqu’elles sont impliquées dans les sphères décisionnelles.

Prenons un exemple. ONU Femmes et le gouvernement de la province Azuay, en Équateur, ont implémenté le projet páramo. Celui-ci vise à assister les femmes autochtones vivant au sein d’un écosystème menacé par la désertification, le surpâturage et d’autres activités humaines, dans l’apprentissage de l’agriculture durable.

Ce processus a permis d’améliorer la gestion de la terre, des ressources naturelles, comme la protection des sources d’eau. Ce projet avait pour but de fortifier le leadership, la résilience et l’autonomie des femmes, tout en implantant une agriculture durable basée sur les connaissances autochtones déjà existantes.

Résultat ? Malgré des chiffres alarmants concernant les conditions de vie des femmes locales – 79 % d’entres elles ont reporté avoir fait l’expérience de violence au moins une fois dans leur vie – cette opération leur a permis de subvenir à leurs propres besoins, briser les stéréotypes liés au genre, contribuer à les inclure dans les sphères décisionnelles de leur communauté.

Le projet pilote páramo montre que sans les femmes au coeur de l’impact, il n’est pas possible d’implémenter des solutions au changement climatique et au développement durable, explique Bibiana Aido, représentante ONU Femmes en Équateur.

Aujourd’hui, les femmes des cinq communautés qui ont participé au projet promeuvent ouvertement l’agriculture durable. Elles jouissent d’une autonomie personnelle et environnementale et participent pleinement aux activités politiques locales.

L’inclusion des femmes dans les sphères décisionnelles rend tout cela possible.

Leadership féminin, quel impact ?

Une étude de 2019 révèle que l’augmentation de la représentation des femmes dans les parlements nationaux contribue à des politiques plus sévères en réponse au changement climatique, entraînant ainsi une réduction des émissions. Leur présence dans les conseils d’administration des entreprises serait aussi liée à plus de transparence concernant l’impact écologique.

Si les petites exploitantes avaient le même accès aux ressources productives (terre, matière premières, capacités de production, etc.), cela accentuerait la production agricole et la sécurité alimentaire, tout en réduisant les émissions de dioxyde de carbone et le déboisement des terres. En effet, leurs rendements augmenteraient de 20 à 30 % et épargnerait plus de 100 millions de personnes de la faim.

Selon un rapport d’Oxfam, les agricultrices ont plus tendance à se tourner vers l’agriculture biologique, les circuits courts et l’élevage extensif. Une étude de 2014 révèle que les femmes à la tête d’exploitations privilégient les semences variées produisant une alimentation saine pour leur communauté, tandis que les hommes misent sur des cultures permettant d’accroître leurs revenus.

Les études sur l’impact des femmes au pouvoir sont nombreuses et variées. Elles confirment toutes une chose : elles doivent être au cœur de la conception et de la mise en œuvre des réponses aux crises sociale et écologique. Mais pour cela, leur inclusion dans les processus décisionnels est essentielle.


Les femmes dans l’impact : le besoin de nouvelles narratrices

Les crises sociales et environnementales entretiennent l’inégalité de genres, faisant obstacle à la participation des femmes à une transition écologique juste. Toutefois, elles se démarquent à l’échelle individuelle par leur prise d’initiative. À travers leur condition féminine, elles incarnent déjà une nouvelle expression de l’impact, la quête d’une société plus juste.

Toutefois, nous avons plus que jamais besoin de nouvelles narratrices dans ce nouveau paradigme. Qui sont ces femmes innovantes qui prennent le contrepied du système patriarcal dominant ? Comment promouvoir la connexion entre les femmes pour qu’ensemble elles créent un nouvel imaginaire collectif ?

En tant qu’Impactrices, nous travaillons pour que chacune puisse révéler son potentiel d’accélératrices du changement. Notre but ? Que vous vous sentiez un jour légitimes d’incarner le changement dans le monde !

À Propos de l'auteurice