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Éco-lucidité | 5 pistes pour gérer son éco-anxiété

Angoissé·e par la crise écologique ? Bienvenue au club. L’éco-anxiété touche au moins un quart des Français·es, selon une étude sur l’ampleur du phénomène réalisée par l’Observatoire de l’éco-anxiété en partenariat avec le collectif On est Prêt. Alors que l’urgence climatique se fait plus pressante, la question de l’éco-anxiété est sur toutes les lèvres. Certain·es professionnel·les de la santé remettent cependant en cause l’appellation de ce “nouveau mal du siècle” : l’éco-anxiété serait-elle vraiment une pathologie ou un moteur nécessaire à l’action ? En suivant cette logique, les personnes éco-anxieuses seraient-elles en fait des éco-lucides ?

La réalité de l’éco-anxiété dans la société

C’est quoi l’éco-anxiété ?

L’anxiété résultant de l’incertitude liée à notre futur affecte notre santé mentale. En 1996, une médecin-chercheuse en santé publique, Véronique Lapaige, remarque combien la crise climatique impacte le bien-être des individus. C’est alors qu’elle invente le terme d’éco-anxiété pour décrire un “mal-être identitaire dans le contexte de bouleversements environnementaux,” ressenti comme une peur intense et continue face à la dégradation de la vie sur terre.

Quelques années plus tard, un autre terme fait son apparition : la sostalgie. C’est en étudiant l’impact néfaste de l’activité minière sur les habitant·es d’une vallée en Australie que Glenn Albrecht – philosophe de l’environnement – réalise que la destruction de leur environnement conduit à une nostalgie du territoire perdu, une détresse psychique ou existentielle.

Toutefois, pour Véronique Lapaige, l’éco-anxiété ne devrait pas être perçue comme négative, mais plutôt comme un moteur à la prise de responsabilité. La peur et la colère alimentent notre volonté, notre prise d’action.

Ainsi, elle pose la question : l’éco-anxiété n’est-elle pas en partie nécessaire à l’action climatique ?

Qui est touché·e par l’éco-anxiété ?

Les jeunes font face à des dilemmes que leurs aîné·es n’ont jamais connus. Comment limiter mon empreinte carbone tout en vivant une vie confortable ? Devrais-je prendre l’avion – à moindre coût – ou le train – plus onéreux – pour partir en week-end bien mérité ? Est-il raisonnable d’avoir des enfants alors que même les scientifiques sont pessimistes sur notre futur ?

Les études prouvant l’écart qui se creuse entre les générations se multiplient.

  • Selon une enquête publiée dans la revue Climatic Change, 60 % des Américain·es de 27 à 45 ans sont soucieux·ses des conséquences de la mise au monde d’un enfant sur leur empreinte carbone.
  • Une étude publiée dans The Lancet réalisée dans 10 pays montre que plus de la moitié des 10 000 jeunes interrogés pensent que l’humanité est condamnée. L’anxiété que cela provoque affecte la qualité de leur sommeil et leur capacité à ressentir de la joie.
  • Des sondages menés par Gallup révèlent un écart entre les générations quant à la perception du dérèglement climatique. 70 % des Américain·es âgé·es de 18 à 34 ans se soucient de la crise climatique, comparé à 62 % des 35 à 54 ans et 56 % des personnes âgées de plus de 55 ans.

L’éco-anxiété, une force ou une faiblesse ?

Perception négative de l’éco-anxiété = une lecture biaisée de la réalité écologique ?

L’éco-anxiété, le nouveau mal du siècle ? En s’intéressant au sujet, on remarque vite que le discours sur l’éco-anxiété est loin d’être positif. Les médias usent du sensationnalisme, au point d’associer systématiquement : éco-anxiété = fatalité. Mais attention : la manière dont on aborde un sujet peut influencer l’opinion du grand public.

Tout comme l’écologie est souvent décrédibilisée, l’éco-anxiété est ridiculisée. Reléguée aux excentriques. Associée à un problème de bobo désoeuvré. Toutefois, il semblerait que l’éco-anxiété toucherait en grande partie des personnes issues de classes sociales supérieures et éduquées ; et celles-ci ont bien conscience de la crise climatique et des changements profonds que notre société doit entreprendre…

Pour la psychothérapeute Charline Schmerber, le manque de reconnaissance de l’éco-anxiété révèle à quel point les Français·ses sont dans le déni. Elle déclare à Reporterre, “un déni qui touche autant le grand public que les psy, bien démunis face à ces nouveaux tourments. Faute de sensibilisation, iels réduisent parfois l’éco-anxiété à des problèmes personnels, familiaux, à des névroses d’enfance.”

Il n’est donc pas surprenant d’en venir à questionner la qualification de cette détresse comme “éco-anxiété”. Jean-Pierre le Danff, psychothérapeute et spécialiste du sujet, préfère d’ailleurs l’idée de “souffrance écologique”. Car il ne faut pas la prendre pour autre chose qu’un phénomène révélateur d’une crise profonde… Loin d’être irrationnelle, l’éco-anxiété révèle une sensibilité, une conscience des enjeux de la crise climatique.

L’anxiété, une préparation à un avenir incertain

Google Trends révèle que les recherches du mot “anxiété” ont augmenté de plus de 300 % depuis 2004. Nous vivons dans une société où le stress est monnaie courante, et l’anxiété, indésirable. Mais une vision alternative existe : c’est ce que défend la psychologue Tracy Dennis-Tiwary dans son livre Future Tense: Why Anxiety Is Good For You. Bien que la théorie évolutionniste reste peu connue du grand public, l’autrice rappelle que l’anxiété a une fonction bien spécifique.

Et cette idée ne date pas d’hier. C’est d’ailleurs Darwin, dans L’expression des émotions chez l’Homme et l’animal, qui explique que les émotions comme la colère, la peur et l’anxiété ont été des outils de survie pendant des milliers d’années d’évolution.

Pourtant, elles ne pourraient pas avoir pire réputation aujourd’hui… Avons-nous oublié que l’anxiété est un allié potentiel, et non pas un ennemi public ? Nous avons appris à voir l’anxiété comme un dysfonctionnement, alors qu’elle est en fait une information sur un avenir incertain dans une logique de survie, explique Tracy Dennis-Tiwary. L’anxiété nous prépare à la persistance et à la vigilance, nous poussant à plus de créativité et d’innovation. L’anxiété est douloureuse car elle nous force à prêter attention afin d’éviter un danger futur.

L’éco-anxiété, un problème ? Considérons-la plutôt comme un moteur qui alimente la volonté d’agir, l’adhésion à des valeurs personnelles, l’engagement dans le collectif. Tu t’inquiètes parce que tes proches te prennent pour l’excentrique de service ? Souviens-toi, “l’éco-anxiété est une réaction saine dans un monde qui s’ignore fou,” explique Charline Schmerber.

5 pistes d’action pour (bien) vivre son éco-anxiété

1- S’informer en conscience

Tu sens parfois que tu fais une overdose d’info ? Fais la différence entre s’informer et se surinformer.

  • Désactive les notifications sur ton téléphone.
  • Choisis en conscience tes sources d’informations : file t’informer auprès des médias qui proposent des pistes d’actions sans tomber dans le fatalisme.
  • Détermine quand tu veux t’informer : une heure le matin, entre midi et deux, le soir ? C’est à toi de définir le moment opportun, et non pas de te laisser assaillir par les actualités de toutes parts.

2- Prendre du temps pour soi

En bref : si t’es pas bien dans tes baskets, tu pourras pas aider grand monde.

  • Savais-tu que passer du temps entouré d’arbres abaisserait le rythme cardiaque, la pression artérielle et le taux d’hormones liées au stress ? Tu l’as compris, vas marcher dans la nature pour te rappeler de tout ce qui va bien dans le monde 😉
  • Essaie la méditation et la cohérence cardiaque pour apprendre à accueillir tes pensées, gérer ton stress et lâcher prise sur ce qui ne dépend pas de toi.
  • Commence la journée en faisant une liste de trois choses pour lesquelles tu es reconnaissant·e d’être en vie.
  • Pour finir, n’oublions pas les petits plaisirs de la vie : le rire, le repos et la pratique d’une activité que tu aimes !

3- Canaliser ses émotions pour changer les choses

Faire face à la crise écologique en donnant des outils pour gérer ses émotions ? C’est ce qu’enseigne Jennifer Atkinson dans ses cours de “deuil écologique” aux étudiant·es de l’université de Washington. Selon elle :

  1. Le premier pas est de reconnaître la douleur : la tristesse, la peur et l’indignation sont des réactions saines aux événements climatiques actuels. Elle apprend aux jeunes des rituels de deuil, car on parle bien ici de perte : celle de notre monde actuel.
  2. Il s’agit ensuite de faire face à ses émotions et de savoir les gérer, notamment avec des exercices de pleine conscience. Il est fondamental de comprendre que nier les émotions dites “négatives” – comme la tristesse – est contre-productif.
  3. Utiliser les émotions : ressentir de la colère contre une injustice nous pousse à vouloir nous battre, n’est-ce pas ? Il est temps de commencer à percevoir nos émotions comme des “super pouvoirs” pour créer un monde meilleur.

4- Incarner ses valeurs

Ne pas être aligné·e avec ses valeurs contribue à un décalage entre notre système de valeurs et nos actions. En psychologie, on appelle cela la dissonance cognitive.

Quelle personne veux-tu être dans ce monde ? Travaille sur tes désirs. Concentre toi sur le présent. Que peux-tu faire aujourd’hui pour te sentir plus utile ? Végétaliser son alimentation, limiter les transports en avion, favoriser les trajets en train ou transports doux, tendre vers la sobriété et le zéro déchet… Les options sont illimitées.

Cela peut sembler abstrait, mais incarner ses valeurs aide à reprendre les rênes de notre vie dans un contexte où on a l’impression de n’avoir de contrôle sur rien. On ne peut pas tout changer d’un coup, mais on peut choisir ses combats pour le mois à venir.

5- Intégrer un collectif

Tu n’es pas seul·e à ressentir de l’anxiété et une volonté d’agir. Entoure toi. Trouve des individus qui partagent tes préoccupations et ton engagement, car imaginer le futur ensemble semble tout de suite plus réalisable.

  • Participe à une fresque et rejoins une communauté d’animateur·ices.
  • Rend-toi à des événements où il est facile de rencontrer des personnes qui te ressemblent : les apéros paumé.e.s et les programmes ré-action de makesense, par exemple.
  • Rejoins une association, un collectif, un bureau de parents-d’élèves, un tiers-lieu… Ou bien les Impactrices 😉

L’éco-anxiété : le deuil de notre monde, la préparation à celui de demain

Nous l’avons compris, l’éco-anxiété n’estpas un problème à régler mais une lucidité dans un monde en crise. Mais elle pose une question essentielle : comment prendre soin de nous-mêmes dans un contexte d’urgence climatique ?

Alors qu’il faut déjà se préparer à affronter cette crise, nous faisons aussi face à un processus de deuil : celui de notre mode de vie actuel. Essayons de comprendre quel genre de personne nous voulons être. Quels sont mes besoins, mes désirs ? Quelles actions individuelles je peux entreprendre ? Comment m’entourer des bonnes personnes pour affronter ce monde en mutation ?

Les Impactrices, c’est un réseau national pour s’entraider, s’empouvoirer et co-créer des solutions innovantes pour le défi climat. Rejoins-nous !

Pour aller plus loin

Renseigne-toi sur l’écopsychologie, basée sur la reconnexion de l’humain avec l’environnement.

Rejoins le programme de 14 jours Tu Flippes ? concocté par le collectif On est Prêt.

Fais le test : Tu veux savoir si tu es éco-anxieux.se ? disponible sur le site de la Maison des Eco-Anxieux.

Réflexion : Faudra-t-il vraiment devenir “éco-furieux” ?

À Propos de l'auteurice