“L’écologie, y’en a marre !” rabâche-t-on aux repas de famille. Pourquoi diable un phénomène tel que l’écolo-bashing reste omniprésent dans nos discours, alors même que la crise climatique est une des plus grandes urgences de notre époque ? Telle est la question. C’est pourquoi il est essentiel de s’intéresser de près à l’écolo-bashing. Cette banalisation de la violence envers une partie de la population est révélatrice de crises dans notre société. Alors, pourquoi une telle défiance vis-à-vis des défensereuses de la planète ? Pourquoi, quel que soit le phénomène de société auquel on s’intéresse, c’est toujours la faute aux écolos ?
Banalisation de la violence envers les activistes
L’écolo-bashing, c’est quoi ?
“On ne va pas changer de société du jour au lendemain !” nous dit-on. “Moi, je veux bien faire des gestes écolos, mais je ne vais quand même pas m’arrêter de vivre !”. De toute façon, “la lutte contre le dérèglement climatique n’est financièrement pas soutenable”. Ne nous flagellons pas trop car “notre empreinte est infime comparée à celle de l’Inde et de la Chine ou des États-Unis”.
Il n’est pas rare pour tout un chacun de décrédibiliser le discours et les actions des écolos. Ça a même un nom : l’écolo-bashing. Ce terme vient de l’anglais bashing, et fait référence à une attaque, au dénigrement collectif et systématique d’un sujet ou d’une personne. Les médias et les politiques contribuent grandement à cette tendance.
Citons par exemple :
- Le rôle des personnalités publiques dans la perception négative de l’écologie ;
- L’immobilisme climatique (directement ou indirectement) prôné par celles et ceux qui décrédibilisent les écolos ;
- Les inégalités de genres encore et toujours présentes qui empêchent la l’émergence d’une société réellement inclusive.
Et ça ressemble à quoi, ce genre de discours ? Vous avez sûrement entendu les termes “ayatollah vert” ou “khmer vert”. Eh oui, un.e écolo-basheur.se utilise un vocabulaire fort, dépréciateur, souvent très caricatural, facilement identifiable dans les unes des médias :
- “La tyrannie verte menace-t-elle nos sociétés ?” (RMC Story)
- “Les maires verts, élus pour tout détruire ?” (LCI)
- “Ce monde de fous que les écolos nous imposent” (Valeurs Actuelles)
Les descriptions des écolos oscillent d’un extrême à l’autre : tantôt décrit·es comme violent·es et extrémistes ; tantôt comme des bobos, hippies candides vivant dans des grottes. Mais il faut noter que, bien souvent, ces titres chocs ne viennent pas argumenter la pensée écolo, mais visent plus à ridiculiser les écologistes elleux-mêmes.
Bref, l’écolo-bashing témoigne du long chemin qu’il nous reste à parcourir vers une transition écologique juste.
États des lieux de l’écolo-bashing
Au-delà du discours, comment l’écolo-bashing se manifeste-t-il dans la société ? C’est le sujet du livre de Danièle Boone et Marc Giraud, Qui veut la peau des écolos, enquête sur les dessous de l’écolobashing. En France, les actes de violence – notamment policière et médiatique – auxquels les écolos font face au quotidien et sur le terrain se multiplient. Rien qu’en mars 2023, il y a eu plusieurs incidents majeurs :
- Incendie de l’Office français de la biodiversité à Brest provoqué par des pêcheurs
- Harcèlement de la présidente de Sea Shepherd France par le rassemblement d’une quarantaine de travailleurs de la mer devant sa maison
- Agression de deux activistes de l’ONG par des pêcheurs à Brem-sur-Mer
Bien que ces incidents soient tous liés aux récentes mesures visant à rendre la pêche plus durable, ce ne sont pas des actes isolés. France Nature Environnement compte d’ailleurs au moins 52 cas d’agressions ou de menaces contre ses membres rien qu’entre 2015 et 2022.
Mais que se passe-t-il lorsque certaines personnalités dérangent trop ? Les industriels et les politiques n’hésitent pas à recourir aux poursuites-bâillons, soit des procédures judiciaires œuvrant pour décrédibiliser le travail d’activistes, ralentissant ainsi la prise de conscience du grand public. Les conséquences de ce genre d’attaques sont lourdes, particulièrement l’aspect financier.
Citons par exemple l’attaque en diffamation du groupe industriel Bolloré contre Bastamag, qui enquêtait sur les conséquences sociales et écologiques de l’accaparement des terres en Afrique par le groupe. Bien qu’elle ait été gagnée par le média indépendant, la procédure aura duré cinq ans et coûté jusqu’à 20.000 euros.
L’écolo-bashing, une violence généralisée mais inégale…
Chaque année, autour de 200 activistes sont victimes de la plus grande des violences : le meurtre. Selon l’ONG Global Witness, plus de 1 700 défenseureuses de l’environnement ont été tué·es entre 2012 et 2021, particulièrement en Amérique du Sud.
Ces faits divers commencent tous de la même manière : une entreprise cherche à exploiter un territoire. Assoiffés de profits, les politiques donnent le feu vert. Les citoyens se soulèvent et résistent au nom de la protection de leur environnement. Ces personnes dérangent ; et pour cela, iels sont tué·es. 94% de ces crimes ne sont pas signalés, et seulement 0.9% sont résolus.
Parmi les victimes ces dernières années, on peut citer l’environnementaliste Joannah Stutchbury qui protestait contre la déforestation illégale de la forêt Kiambu, mais aussi le journaliste Dom Philips et Bruno Pereira, un expert brésilien sur les tribus isolées. Ces derniers collaboraient à l’écriture d’un livre sur le développement durable, How to save the Amazon.
Qui sont les premières personnes touchées par cette violence ? Qui sont ces individus en première ligne pour la protection de la nature contre l’industrie minière, l’exploitation forestière et l’agro-industrie ? Iels sont issu·es de pays plus pauvres – dont le Brésil, les Philippines, la Colombie, le Mexique et le Honduras – et des communautés autochtones. Ces dernières représentent d’ailleurs 39 % des victimes, et seulement 5 % de la population mondiale.
L’écolo-bashing, un phénomène révélateur de crises sociétales
Cachez cette réalité écologique que je ne saurais voir
Finalement, la cause principale de l’écolo-bashing n’est-elle pas la peur de ce que l’écologie représente ? Elle s’inscrit à contre-courant du modèle dominant capitaliste et remet en question nos comportements au sein de la société. Cela dérange ; c’est la révolution tant attendue pour certain.e.s, un effondrement pour d’autres.
Pour reprendre l’exemple précédent : les pêcheurs font de plus en plus entendre leur colère face aux mesures prises dans le cadre de la transition énergétique. Citons notamment l’augmentation du prix de l’essence pour réduire la dépendance au gazole ou la réduction des zones de pêche pour protéger la biodiversité des fonds marins. D’une part, nous avons des professionnel·les de la mer effrayé·es de voir la pêche artisanale – soit leur gagne-pain – disparaître ; de l’autre, des défenseureuses de l’environnement alertant sur une réalité écologique menaçant la vie sur terre.
Qui a raison, qui a tort ?
Les écolos incarnent le symbole d’un monde qui change. Un monde qui doit changer. Éviter de prendre l’avion, de manger de la viande, d’utiliser les sacs en plastique en pagaille… La faute aux écolos ? Évidemment que non, mais s’en prendre au messager est bien plus facile que d’écouter une vérité qu’on ne veut pas entendre : celle que le capitalisme est incompatible avec la lutte contre le dérèglement climatique.
Dénigrement public des écolos : quel est le rôle de l’État ?
Toutes ces violences contre les écolos ne se retrouvent-elles pas déjà banalisées dans le discours des politiques ? Il y a peu, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin qualifiait les activistes d’écoterroristes.
Quelle fut la réaction politique face aux manifestations contre les méga bassines à Sainte-Soline qui ont eu lieu du 24 au 26 mars 2023 ? La mise en place d’un dispositif policier de 3 200 membres des forces de l’ordre, dont quads, hélicoptères et camions militaires. Résultat ? 200 blessés du côté des manifestants.
L’État montre l’exemple aux citoyens. Si un ministre s’autorise à parler ainsi en public d’un certain groupe, alors pourquoi la population ne se sentirait-elle pas légitime de faire justice elle-même face à ces écoterroristes ? Au vu de l’omniprésence de l’écolo-bashing dans notre société, Danièle Boone et Marc Giraud s’interrogent donc : sommes-nous encore en démocratie ?
Discours écolo et inégalités de genre
Se faire basher pour ses idées, c’est la routine pour les écolos. Pourtant, tout le monde n’est pas égal face à la critique. Deux récentes interviews réalisées sur France Inter nous le montrent bien : la première de la journaliste Salomé Saqué ; la seconde, de l’astronaute Thomas Pesquet. À quelques jours d’intervalle à peine, les deux personnalités ont déclaré ne pas vouloir d’enfant.
Interviewée sur ses propos, Salomé Saqué explique ne pas désirer enfanter notamment à cause de son éco-anxiété. Dans un contexte où les scientifiques sont pessimistes pour l’avenir : n’est-il pas compréhensible d’hésiter à donner la vie quand la trajectoire sur laquelle nous sommes engagé.es nous mène indubitablement vers des catastrophes sociales et environnementales sans précédent ? Mais la journaliste est incendiée par des centaines d’internautes : “Une femme qui ne veut pas d’enfants, il y a un bug dans la matrice, l’ingénierie sociale a pris le dessus sur la biologie”.
Quelques jours plus tard, Thomas Pasquet parle lui aussi de sa prise de position : il souhaite prioriser sa carrière et éviter la charge mentale de sa conjointe qui devrait alors s’occuper seule de leur progéniture. Les réactions des internautes ? Louanges. “C’est son choix, c’est quoi cette injonction à la progéniture” ou encore “Chouette qu’un homme soit capable de se poser ce genre de questions”.
Même discours, et pourtant… Pourquoi une telle différence de traitement ? Malgré les considérations écologiques de la journaliste, les internautes ne réagissent pas à ses idées, mais à la transgression de la norme. C’est sa position de femme et les attentes quant à son sexe qui leur importent. On ne parle pas du fond de ses arguments, c’est sur le messager que l’on tire.
L’écolo-bashing, c’est cette violence banalisée envers les activistes. Toutefois, elle n’affecte pas tout le monde de la même manière, puisqu’on remarque qu’encore une fois que les communautés vulnérables et autochtones en sont les premières victimes.
Alors, pourquoi est-il important d’en parler ? Car ce phénomène global révèle des crises profondes qu’il nous faut adresser dans notre société. L’écolo-bashing révèle une inégalité entre les genres encore très présente, illustrée par la violence exercée sur les femmes pour leurs idées. Malgré une crise climatique sans précédent, l’écologie reste en proie à l’immobilisme. Mais la représentation publique des écolos ne va-t-elle pas dans ce sens ?
Pourquoi voudrait-on agir, quand des personnalités comme l’entraîneur du PSG ironisent sur le choix d’un trajet Paris-Nantes en train plutôt qu’en jet privé ? Si on voulait cracher sur l’écologie, on ne ferait pas mieux. Il est temps que les personnalités publiques, les médias tout comme l’État montrent l’exemple. Ils ont tous un rôle majeur dans la formation de l’opinion publique.
Chez Les Impactrices, on a à cœur de présenter des faits, tous les faits, rien que des faits. Ça vous donne de la matière pour pouvoir contrer les arguments des écolo-basheurs. Alors pour vous informer toujours au mieux, allez faire un tour sur notre blog, et inscrivez-vous à notre newsletter !