Le 17 juin dernier a eu lieu la 3e édition du Printemps des Impactrices. A cette occasion, Souba m’a proposé de prendre la parole pour conclure la Table Ronde sur le thème de la représentation dans le mouvement climat. Evidemment, j’ai dit oui, puis j’ai réfléchi : qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter, est-ce que le public va apprécier, est-ce que je vais être digne des intervenantes passées juste avant moi… Et en un instant, je me suis laissée rattraper par le syndrome de l’imposture. Celui-là même qui empêche souvent les femmes de prendre la parole sur des sujets qu’elles maîtrisent pourtant (même si c’est loin d’être la seule raison). CQFD. Du coup, j’ai décidé de montrer à quel point il est important que les femmes prennent leur place dans le Défi Climat, et de donner quelques conseils pour vous aider à porter votre voix.
Pourquoi est-il important de prendre notre place dans le défi Climat ?
De la représentation des femmes dans l’espace public
Quand il s’agit de prendre la parole en public, certaines personnes vont se sentir à l’aise en un instant. D’autres vont devoir se faire violence. Sortir de cette fameuse “zone de confort”. Je fais partie de cette 2e catégorie. Ça n’est pas naturel pour moi de prendre le micro, monter sur une estrade, faire face à des dizaines de personnes, et dérouler mon contenu. Pourtant, je n’ai pas beaucoup hésité quand Souba (notre co-fondatrice) m’a proposé de faire la conclusion d’une table ronde lors du dernier Printemps des Impactrices (vous retrouverez l’article d’Amira dédié à cette Table Ronde ici).
À vrai dire, la thématique de cette table ronde résonnait en moi. Comment porter nos voie.x quand on ne se sent pas représentées par le mouvement climat ? C’est vrai ça, comment fait-on, quand on ne se voit pas représentée dans les médias, dans les instances politiques ou dans les CoDir des entreprises ? Comment fait-on lorsque seulement 13% des cadres dans l’ESS sont des femmes, alors même qu’elles représentent 68% des salariées ? Comment peut-on se prendre au sérieux soi-même, quand la poignée de personnes qui dirigent le monde ne nous donne pas la parole ?
C’est une vaste question à vrai dire, difficile à appréhender en si peu de temps. D’un côté, il y a celleux (surtout ceux, on va pas se mentir), qui affirment que l’égalité hommes-femmes est acquise (« attendez là, vous avez le droit de vote, et vous pouvez travailler, de quoi vous vous plaignez ? »), et de l’autre, celleux (surtout celles, on va pas se mentir), qui se prennent de plein fouet la charge mentale et morale, les remarques sexistes au boulot, dans la rue ou chez le médecin, les inégalités salariales. Bref, celles qui savent. Y’a encore du boulot, donc.
L’entre-soi, la meilleure manière de tourner en rond sur les solutions
J’ai assisté cet année à un événement d’envergure qui réunissait plusieurs chef·fes d’entreprises, décisionnaires et associations pour parler solutions climat. Le genre d’événements qui n’est accessible que sur invitation. Clairement, la parité de genre n’était pas à l’ordre du jour, surtout chez les conférencier·es. La parité sociale non plus : le niveau social des invité·es se reflétait sur les tenues. Quant aux personnes racisées, sur les 2000 personnes présentes, elles se comptaient sur les doigts de 2 ou 3 mains. Et j’ai même assisté à une conférence où l’un des intervenants se targuait fièrement d’avoir une association inclusive, parce qu’il intégrait des climato-sceptiques dans ses prises de décisions.
Au-delà du (gros) problème d’associer inclusivité et climato-sceptiques, les inviter pour parler solutions climat, ça ne vous rappelle rien ? Aujourd’hui encore, les gouvernements qui font marche arrière sur l’IVG sont majoritairement composés d’hommes, âgés pour la plupart, qui n’ont probablement jamais eu à gérer d’enfants à temps plein. Ce sont eux qui prennent les décisions pour nous. Autre exemple : les médias qui organisent des « débats » sur l’insécurité dans les banlieues alors qu’ils n’y n’ont jamais mis les pieds. Je peux vous garantir que jamais rien de bon ni de performant n’est ressorti de ce genre de réunions. L’entre-soi est rarement une bonne solution, et c’est justement pour ça qu’il est important qu’on se sentent toutes et tous représenté·es dans le Défi Climat. C’est pour ça qu’il est important qu’on prenne notre place, si personne ne vient nous la donner spontanément. Et ce, aussi difficile et non naturel que cela puisse paraître au premier abord. Parce que de la diversité des profils et des expériences naît l’innovation. Et que de l’innovation naissent des solutions justes, pertinentes, et durables.
Alors pour ça, osons nous exprimer et prendre notre place légitime, à l’oral ou à l’écrit, sur les réseaux, dans les médias, devant un public restreint de professionnels ou une audience plus large de particuliers.
9 conseils pour porter sa voix dans le Défi Climat
Ces quelques conseils peuvent paraître banals, mais ils sont faciles à appliquer, et essentiels pour commencer à porter sa voix.
1. Ne doutez pas de votre légitimité
Vous avez forcément une expertise à partager, et donc une voix légitime. En tant que femmes ou personnes non genrées, vous avez certainement malheureusement des expériences liées au sexisme. En tant que personne racisée, vous avez déjà subi du racisme. Et si vous êtes sur ce site, sur ce blog, c’est que vous êtes conscient·es de l’urgence à agir pour le climat, de par votre expérience, votre témoignage, vos compétences. Donc votre voix est légitime. Point.
2. Soyez toujours ultra-préparée
À l’oral, veillez toujours à prendre la parole en ayant préparé votre intervention au cordeau. C’est injuste, je le sais, mais on vous demandera toujours plus de vous justifier si vous êtes une femme, on remettra plus souvent votre parole en doute. Donc si vous citez des chiffres (et vous allez devoir en citer), ayez toujours une source fiable et indéboulonnable derrière. Si vous citez des concepts, soyez en mesure de les développer et de les expliquer si nécessaire.
3. Considérez toutes les opportunités qui s’offrent à vous
Par exemple, si vous savez qu’on vous invite et que vous allez être un token (c’est-à-dire pour respecter un quota). Vous le savez, iels le savent. Mais c’est pas grave. Comme disait l’avocate Diane Lockhart dans l’excellente série The Good Wife (vous noterez la source fiable de qualité, cf point précédent), si une opportunité se présente à toi, tu la saisis, peu importe les raisons qui motivent cette opportunité. Il ne s’agit pas non plus de signer un pacte avec le diable, mais ça vous fera toujours gagner en visibilité et en crédibilité. Et c’est une étape nécessaire pour augmenter la représentation des femmes dans les mouvements climat.
4. Ne perdez pas votre énergie à essayer de convaincre tout le monde
Quelle que soit l’audience à laquelle vous vous adressez, vous ne pourrez pas convaincre tout le monde. Certaines personnes sont sceptiques, et vous pourrez éventuellement planter des grains dans leurs esprits, mais elles auront besoin de digérer tout ça. D’autres ne voudront jamais adopter votre point de vue. Concentrez-vous sur les personnes qui méritent votre attention, les personnes qui sont curieuses, qui sont ouvertes d’esprit, qui ont envie d’apprendre et de se déconstruire.
5. Anticipez toujours les objections de votre auditoire
En prenant la parole, vous vous exposez à des remarques ou des objections de la part de votre audience. Le meilleur moyen de s’y préparer, c’est de les anticiper. Mettez-vous à la place d’une personne curieuse qui souhaiterait en savoir plus. Mettez-vous à la place d’une personne sceptique qui voudrait vous challenger ou vous déstabiliser. Quelles questions pourraient-elles vous poser ? Vous ne pourrez jamais penser à tout, mais venir préparée sur ce point vous enlèvera une bonne dose de stress. Vous n’avez pas la réponse ? Dites-le tout simplement, plutôt que de broder quelque chose de bancal. Et si jamais vous vous sentez déstabilisé, dites simplement que vous avez pris en compte la remarque de votre interlocuteurice et que vous reviendrez vers lui ou elle avec plus de détails. Puis passez à autre chose.
6. Travaillez votre confiance en vous
Sans aller jusqu’au développement personnel, si vous ne vous sentez pas forcément à l’aise à l’oral, vous allez devoir travailler ce point. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas quelque chose d’inné, c’est une compétence que vous pouvez acquérir. Et plus vous maîtrisez votre sujet, plus vous prenez la parole et portez votre voix, plus ça deviendra naturel pour vous.
7. Blindez-vous
Vous allez certainement recevoir plein de critiques, souvent injustifiées, qui viseront uniquement à vous déstabiliser. Votre compétence ou votre personnalité ne sont pas à remettre en cause. Laissez de côté les commentaires haineux, bloquez, et interagissez uniquement avec les personnes bienveillantes.
8. Ne sous-estimez pas votre expertise
Les femmes ont tendance à se sous-estimer lorsqu’elles parlent de leurs expériences et de leurs compétences. Alors, lorsque j’ai rédigé ma bio pour la conclusion de la table ronde au Printemps des Impactrices, j’ai indiqué « conférencière ». À l’époque, j’avais donné ma première conférence sur l’écoféminisme devant des élèves de terminale dans un lycée, un mois auparavant. Ma 2e conférence, c’était celle qui a donné lieu à cet article. Depuis, j’ai pu modérer une table ronde au Forum Mondial 3Zéros, organisé par Convergences. Alors, sans embellir la réalité, soyez juste envers vous-mêmes. Dites-vous que si vous en savez 15 % de plus sur un sujet que la personne en face de vous, vous êtes experte.
9. Soyez des allié·es
Même si vous n’êtes pas concerné·es directement par une cause, soyez des allié·es. Les sujets pour lesquels on se bat chez Les Impactrices aujourd’hui (climat, genre, justice sociale) sont indissociables. Et si vous êtes là aujourd’hui, c’est certainement que vous en avez conscience ou que vous commencez à en avoir conscience. Vous êtes un homme ? Soyez un allié des femmes et des minorisé·es de genre. Vous êtes blanc·he ? Soyez allié·e antiraciste. Vous êtes privilégié·es ? Soyez allié·e des questions de justice sociale.
Voici pour les tuyaux. Mais du coup, on commence par où concrètement ? Déjà, on remet à jour ses profils Insta, LinkedIn, Twitter, son CV, et on met en valeur sa juste expertise. Ensuite, on s’abonne aux réseaux sociaux des Impactrices et à la newsletter (si ce n’est pas encore fait), pour s’informer et s’énergiser. Et si vous voulez porter votre voix sur des sujets climat, genre et/ou justice sociale, restez connectées : on proposera bientôt un moyen de rejoindre notre annuaire des Impactrices !