arguments-ecriture-inclusive

Écriture Inclusive, une Hérésie ? | 9 Arguments Déboulonnés

L’écriture inclusive, tu connais ? Oui oui, ce sujet qui fait régulièrement débat dans l’actualité. En réalité, c’est une lutte qui oppose pro- et anti- depuis des années. Entre nous, pourquoi s’embêter à modifier la langue française, à s’attarder sur des « détails » alors que ça fonctionne bien depuis des années ? Ah non, me dit-on dans l’oreillette ? Ben non. Depuis notre plus tendre enfance, on nous apprend que le masculin l’emporte sur le féminin. Depuis l’école primaire, où l’on apprend les subtilités de la langue française, on nous rabâche qu’un groupe de 30 personnes composé de 29 femmes et d’1 homme sera désigné par le masculin. Parce que c’est comme ça et pas autrement. Sauf que c’est un peu plus complexe que ça. Les arguments contre l’écriture inclusive fleurissent dans l’espace public. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, pas seulement chez les mascus ! Pourtant, ces raisonnements ignorent souvent le bon sens, et surtout l’histoire de notre langue. Voici donc les 9 arguments favoris des opposant·es à l’écriture inclusive, et pourquoi ça ne tient pas la route.

1- C’est moche à lire

Ça, c’est l’argument favori d’à peu près toustes les réfractaires à l’écriture inclusive. Pour ces personnes, cela se résume à ajouter des points, des points médians ou des tirets au cœur des mots pour créer des termes double-genrés. Le point médian est effectivement l’une des manières de pratiquer l’écriture inclusive. Mais il y en a d’autres. On peut citer entre autres :

  • l’utilisation de termes épicènes : ce sont des mots neutres dans leur usage, par exemple « la clientèle » au lieu de « les clients », ou « les internautes » au lieu de « les visiteurs » ;
  • la double flexion : « les citoyennes et les citoyens » au lieu de  « les citoyens ».

Notons au passage que les politiques, qui s’opposent de manière virulente à l’écriture inclusive, adooorent ces formulations en double-flexion quand il s’agit de brosser la population dans le sens du poil.

J’ajouterai enfin que, comme toutes les nouvelles habitudes à prendre, cela nécessite un temps d’adaptation. La vraie question devient alors : est-ce que l’on est prêt·e à faire l’effort ?

2- C’est compliqué à écrire

Alors là, je vais pas te mentir, si on parle du point médian, oui c’est plus compliqué à écrire. En tout cas, il faut un peu plus de volonté. Pour moi qui travaille sur Mac, j’ai pris le pli, les raccourcis sont pratiques, et le point médian devient presque un réflexe. Mais sur Windows, mazette… Bon, il faut dire que tous les raccourcis sur clavier de PC sont compliqués. Mais rappelons-nous aussi que l’écriture inclusive, ce n’est pas que le point médian, ou le tiret, ou l’apostrophe… C’est aussi l’utilisation de termes épicènes ou double-genrés (cf paragraphe précédent, tu n’as pas déjà oublié, quand même ?). Au pire donc, une petite gymnastique intellectuelle au départ, qui deviendra vite une habitude au fil du temps.

3- Y’en a marre de toujours vouloir modifier la langue française, laissons-la tranquille

L’orthographe française est compliquée. Il y a plus d’exceptions que de règles. Elles évoluent en permanence. Il y a quelques siècles de cela (première partie du 17e siècle pour être exacte), la langue française était beaucoup plus féminisée. Des métiers comme professeuse, philosophesse, mairesse ou encore médecine ont tout bonnement disparu de la langue française en 1651. C’est Dupleix (Scipion de son prénom) qui, dans un élan de générosité visant à « simplifier » la langue française, a décrété que balek, à partir de désormais, le masculin l’emportera sur le féminin. Mais pourquoi diable ? Parce que le masculin est « plus noble ». Ah. Irréfutable. 16 ans plus tard, en 1767, Beauzée enrichit cette argumentation avec un imparable « à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». Cette vibe animale… Comment lutter contre ?

Le genre féminin n’a donc pas toujours été invisibilisé de la sorte. Fut un temps où dans un groupe composé de 29 femmes et 1 homme, on disait « elles ». Idem dans un groupe de 16 femmes et 14 hommes. C’est ce qu’on appelle l’accord de nombre.

Rappelons aussi que la langue française évolue en permanence, que les « oy » ont laissé place aux « oi », que certains « oi » ont été remplacés par des « ai », que le « U » et le « V » ne sont des lettres distinctes que depuis le 16e siècle, ou encore que de nouveaux mots font leur apparition dans les dictionnaires chaque année. Quoi de plus naturel alors que de rendre une langue plus inclusive pour sa population ?

4- Le masculin fait déjà office de non-genré

Effectivement, le masculin est utilisé en tant que genre neutre dans la langue française. On va par exemple dire « il fait beau » et non pas « elle fait beau ». Mais il n’a pas été défini comme genre neutre. Il l’est par défaut, lorsqu’il n’y a pas de nom ou de sexe associé. Notamment parce qu’il a été déterminé que le masculin l’emporte sur le féminin. Donc par définition, c’est complètement genré. Si vous voulez avoir un aperçu de ce que donnerait un monde dans lequel le féminin serait le genre neutre par défaut, on vous conseille de suivre Typhaine D. Cette autrice, comédienne et féministe engagée, a réinventé la langue française avec La Féminine Universelle, où toutes les termes, sans exceptionne, sonte féminisées (non, il n’y a pas d’erreur, je me suis pliée à l’exercice ☺️). Elle nous a fait l’honneur de performer lors des 2 précédentes éditions du Printemps des Impactrices, et on adore son travail !

Performances artistiques au Printemps des Impactrices

Crédit photo : Charlène Yves

5- Et les métiers comme assistante maternelle ou infirmière, qui sont toujours féminisés, vous la ramenez moins là, hein ?

C’est aussi ÇA, le but de l’écriture inclusive. En inclusivité, on inclut l’ensemble de la population, quel que soit leur genre. Pour que des métiers considérés comme féminins soient masculinisés dans leur écriture, et inversement. Oui, il existe des infirmiers et des assistants maternels (à ce propos, ce serait bien qu’on parle d’assistance parentale et pas maternelle, le soin des enfants n’est pas la responsabilité exclusive des mères et des femmes).

Mais vous remarquerez aussi que ces rares métiers dont on n’utilise que la formulation féminine (ou presque) sont des métiers du care, où l’on prend soin des gens. Des métiers qui sont de facto sous-valorisés, sous-payés, et sans lesquels nous serions pourtant bien embêté·es. Ça serait intéressant qu’on en parle dans un prochain article, tiens.

6- Les anglais ne considèrent pas qu’on oublie les femmes (ou les hommes) quand on dit «the».

Celui-là provient du site SOS Education (réputé comme étant bien bien à droite), et franchement, ça m’a bien fait rire (jaune, ne leur en déplaise, mais quand même). Bien évidemment que personne ne se sent lésé, puisque l’anglais est une langue neutre ! Pas de masculin ou de féminin, seulement du singulier et du pluriel. On pourrait peut-être s’en inspirer, nan ?

7- Et l’accessibilité dans tout ça ?

L’accessibilité est un véritable sujet. Aujourd’hui, l’écriture inclusive est très peu adaptée pour les personnes malvoyantes et non-voyantes.

En version numérique, ce sont les logiciels de retranscription vocale qui leur permettent d’accéder aux contenus. Et les termes utilisant les points médians ou les tirets sont mal tolérés par ces logiciels. Néanmoins, ils sont adaptés en permanence pour faire face aux évolutions technologiques. Pourquoi donc ne pas intégrer les usages de l’écriture inclusive ?

Sur papier, dans les ouvrages en braille, cela nécessiterait également une adaptation. Le point médian est aujourd’hui considéré comme une meilleure alternative au point et au tiret.

Le véritable problème, c’est qu’il n’y a pas de règles aujourd’hui sur l’écriture inclusive. Les outils n’évoluent donc pas, puisque l’Académie Française refuse de se pencher sur le sujet.

Je vous invite à lire cet article de La Lutine du Web sur l’accessibilité et les solutions possibles.

8- Beaucoup de femmes sont contre l’usage de l’écriture inclusive

Désolée de te le dire, mais ça s’appelle le syndrome de Stockholm. Même moi, il y a encore quelques années, je trouvais ces histoires de point médian ridicule. Jusqu’à ce que je me réveille et me rende compte que ce qui peut sembler anecdotique conditionne grosso modo la moitié de la population à se faire toute petite dès l’enfance. Dire qu’en langue française, le masculin l’emporte sur le féminin, parler uniquement de vainqueur mais pas de vainqueresse ou de vainqueuse, c’est planter des graines dans les esprits malléables des enfants de 7 ans. C’est leur faire intégrer que dans la vie, de manière générale, le masculin est supérieur au féminin. C’est d’ailleurs entre les âges de 6 et 9 ans que la plupart des biais liés au genre sont intégrés par les enfants. Ajoutez à ça des générations entières d’adultes qui ne remettent pas en question tout ce qu’iels ont appris, ou la manière dont iels ont vécu, qui reproduisent les mêmes schémas année après année, et vous obtenez un problème systémique, très difficile à rééquilibrer.

9- C’est perturbant pour les enfants

Les enfants ont des capacités d’apprentissage bien supérieures à nos cerveaux flétris. Ceux dont les parents parlent 2 langues différentes font l’apprentissage de 2 langues, souvent de manière concomitante. À l’école, les élèves apprennent des centaines de choses chaque jour. Bien sûr, leurs facilités ne sont pas toutes les mêmes, et les capacités de leur entourage à les accompagner dans ces apprentissages non plus. Mais dans un contexte d’apprentissage permanent, cet argument ne tient pas.

Bref, tu l’auras compris. Tous les arguments en défaveur de l’écriture inclusive sont contournables. Avec un peu d’imagination et quelques efforts, il est tout à fait possible de trouver des solutions qui permettent d’inclure les femmes et les minorités de genre dans nos communications. Même nous, chez Les Impactrices, on n’est pas encore parfaites, mais on fait de l’inclusivité une priorité, contre toutes les formes de discriminations. Tu ne veux rien manquer de nos activités ? Inscris-toi à notre newsletter et rejoins-nous sur nos réseaux sociaux !

Pour aller plus loin

 

Crédit photo principale : Markus Winkler

 

À Propos de l'auteurice